Je vous préviens tout de suite : le sujet abordé dans cet article n’est ni drôle, ni positif, ni excitant. Au contraire, c’est un sujet horriblement déprimant et affolant. Alors si vous avez passé une journée difficile, je vous conseille de passer votre chemin et de regarder des vidéos d’animaux trop mignons à la place.
Bon, voilà. Aujourd’hui, je vais parler effondrement. Plus précisément, effondrement de notre société industrielle.
Effondrement = tristesse
Je vous l’ai dit, déprime, exaspération et rage seront au rendez-vous. Peut-être aussi moqueries et déni. Alors je tiens à le préciser tout de suite : en écrivant cet article, je ne tiens en aucun cas à vous convaincre de penser comme moi. Je veux juste expliquer mon cheminement, et comment pour moi, notre société est vouée à s’effondrer, et plus vite qu’on ne le pense.
Ce qui m’a poussé à écrire cet article, c’est le fait que l’effondrement est de plus en plus abordé dans les médias de masse et institutions internationales. Le monde s’y met, la NASA, l’ONU ou la BBC. Et en lisant les commentaires des articles sur les réseaux sociaux, je me rends compte qu’il y a encore une très grande partie de la population qui refuse d’y croire.
Pire : cette semaine, des députés français ont refusé d’assister au discours de Greta Thunberg à l’Assemblée Nationale. Pourtant, le discours de cette dernière repose uniquement sur les observations des scientifiques sur les dernières décennies.
D’ailleurs, en ce qui me concerne, même si je la trouve admirable, le discours de Greta reste trop soft sur certains points, notamment concernant le capitalisme vert, qu’elle a tendance à encenser. Pourtant, il est clairement trop tard pour penser que le capitalisme vert va nous sauver (selon moi). Si on y avait pensé il y a une cinquantaine d’années, à la limite. Mais bref, je m’égare. Encore une fois, je ne suis pas là pour vous convaincre de me rejoindre dans le camp des « collapsologues » (comme on les appelle parfois).
Effondrement = pas une nouvelle théorie
Pour comprendre mon cheminement, il convient de remonter en arrière, il y a une douzaine d’années. Quand j’étais au collège/lycée, un de mes frères se prit de passion pour l’écologie. Il commença à lire des livres, voir des documentaires et assister à des événements militants. Et à nous montrer, à nous, sa famille, des tas de choses sur la destruction de l’environnement.
Et bien oui, en réalité, la destruction de l’environnement ne date pas d’il y a quelques années. Elle ne sort pas de nulle part : cela fait des décennies que l’on contamine et détruit la nature. Depuis les années 70 (au moins), les scientifiques tirent la sonnette d’alarme.
Bref, revenons à nos moutons. En l’espace de quelques années, je vis donc une ribambelle de documentaires sur l’état de la planète, le fonctionnement de notre système économique, nos ressources finies, et la diminution de la biodiversité. Et oui, certains d’entre eux, pour ne pas dire la totalité, mentionnaient le risque grandissant d’effondrement.
On parle ici de documentaires réalisés entre 2000 et 2010. Je pense que ça a peu d’intérêt de vous donner des références, sachant que depuis, d’autres films ont été réalisés, avec des données plus précises et actualisées. Mais cette thèse n’est absolument pas nouvelle : elle commence juste à être plus mainstream, maintenant qu’il est sacrément difficile de continuer à nier le dérèglement climatique.
Effondrement = pas le meilleur sujet de conversation pour une ado
Mais voilà, en sortant de la bulle écologique de mon frère et en revenant dans mon univers quotidien, je sentais bien que ces idées étaient considérées comme ubuesques par le reste du monde. Si parler d’effondrement en 2019 vous fait presque passer pour quelqu’un de cool, ça n’était pas le cas en 2008, croyez-moi. J’ai vite appris à compartimenter les choses et à ne pas trop parler de ce que je voyais sur ces documentaires.
Je me mettais même parfois à douter, parce que mon frère était de plus en plus considéré comme un marginal par les gens autour de nous. Encore une fois, parler d’effondrement en 2008 : NOT COOL.
Il faut aussi savoir que j’ai grandi dans la banlieue versaillaise, et que j’ai fait mes études dans le 16ème arrondissement à Paris. Maheureusement, ces endroits sont rarement choisis par les altermondialistes et les écologistes pour y établir leur QG. Je me retrouvais donc vite bien seul à défendre ces idées d’extrême-gauche-hippie-baba-cool.
J’ai donc appris à sourire poliment lorsqu’on m’enseignait les vertus du capitalisme, de la technologie, de la croissance économique. Comme si j’avais deux visages : celle qui savait qu’on fonçait dans le mur, et celle qui devait malgré tout vivre dans un monde qui refusait de le voir.
Effondrement = de plus en plus difficile à nier
Avance rapide de quelques années. Les effets de la société industrielle se font sentir à toutes les échelles : extinction massive des animaux, effondrement de la biodiversité, montée dramatique des températures, océans regorgeant de plastiques… And so on.
Encore une fois, je ne suis pas ici pour convaincre qui que ce soit. Vous trouverez des chiffres sur les éléments susmentionnées en 2 clics sur Google si vous avez besoin de références.
Je dois avouer que le fait qu’en 2019, des députés français soient toujours incapables de comprendre l’ampleur du problème, ça m’en met un coup. Encore une fois, le discours de Greta Thunberg est extrêmement rationnel et scientifique. Bien plus que le discours de nos politiques qui ne jurent encore que par la croissance économique.
Comme le dit bien Pablo Servigne, défendeur de la collapsologie : « Aujourd’hui, l’utopie a changé de camp : est aujourd’hui utopiste celui qui croit que tout peut continuer comme avant. «
Le XXIème siècle = plein de contradictions
On vit dans une drôle d’époque. D’un côté, je peux presque les comprendre, ces vieux députés. Après tout, nous n’avons jamais été aussi « riches ». Aussi avancés technologiquement et médicalement parlant. Nous n’avons jamais pu voyager autant ou communiquer aussi facilement. Mais voilà, en voulant améliorer nos vies, en inventant de nouveaux objets complexes, nous avons échoué à préserver nos ressources les plus simples. L’air, la mer, les arbres, les animaux. Nous avons troqué les éléments les plus essentiels de notre Terre contre des objets technologiques qui nous aveuglent. Qui nous font croire que nous sommes riches, alors que nous n’avons jamais été aussi pauvres.
Même les indigènes des siècles passés étaient plus riches que nous : ils respiraient un air pur, mangeaient des fruits sans pesticides et se baignaient dans des lacs inaltérés. Certes, ils mouraient pour un oui ou pour un non. Mais en attendant, le fait d’avoir laissé leur environnement intact leur permettait d’avoir une descendance, de perpétuer l’espèce. Ce qui nous sera très probablement impossible (ou en tout cas bien compromis).
L’effondrement = Quand ? Comment ?
Vous allez peut-être me dire : « mais alors, concrètement, l’effondrement, si ce que tu dis est vrai, ça se passera comment ? ».
Grande question, à laquelle diverses réponses ont été avancées. Mais ces réponses sont des hypothèses, car en réalité, personne ne sait comment, et quand, l’effondrement se produira.
Toi et moi = Jack et Rose
Actuellement, nous sommes comme les passagers du Titanic. Nous vivons dans un environnement luxueux, confortable et faussement rassurant. Nous ne voyons pas notre immense cargo prendre l’eau, peu à peu. L’eau provient de différentes sources. L’une d’entre elles, c’est l’extinction des espèces vivantes, notamment des insectes, qui est un drame pour tout notre environnement. Une autre, la déforestation, rendant notre climat plus sec et nos terres incultivables. Il y a aussi la contamination de nos eaux, qui nous font ingérer quotidiennement des quantités énormes de plastique. N’oublions pas les émissions de CO2, causant un dérèglement climatique de plus en plus problématique (et visible).
On sait que l’embarcation prend l’eau, mais on ne sait pas exactement ce qui craquera en premier. On sait que tout ne s’effondrera pas d’un coup : en fait, ce sera un processus assez lent et long. Progressivement, comme des dominos, les différentes parties du bateau seront touchées. Mais il est faux de dire « effondrement prévu pour 2030 » ou « fin de la civilisation en 2050 » : on ne peut pas donner une date précise, car ce sera un événement qui s’étalera sur plusieurs décennies. D’ailleurs, selon certains, il a déjà commencé, dans les zones les plus sensibles du globe. Les réfugiés climatiques seront d’ailleurs un autre problème à gérer, en plus du reste.
Bon, je pense que vous avez compris l’idée.
Si vous n’êtes pas d’accord avec moi, je le comprends tout à fait. Psychologiquement, penser que la société dans laquelle on a grandi et dans laquelle on s’est bâti une vie, est en fait terriblement fragile, c’est très dur. Même moi, qui côtoie ces idées depuis maintenant un bon bout de temps, j’ai toujours du mal à les accepter. Je continue de compartimenter ma vie, parce que c’est très difficile de vivre au quotidien sans y penser constamment.
Cette excellente BD traite d’ailleurs de la difficulté de vivre dans le monde « normal » quand on passe trop de temps le nez dans les chiffres affolants du réchauffement climatique.
Bon je vous laisse, je vais de ce pas regarder des vidéos mignonnes de chat sur Internet histoire de me remonter un peu le moral.

Hello ! Je cogite moi aussi pas mal à ces questions, et j’ai un regard assez critique sur la collapsologie en général…
“Mais ces réponses sont des hypothèses, car en réalité, personne ne sait comment, et quand, l’effondrement se produira.”
Je lis beaucoup de telles formulations et ça m’interpelle pas mal, parce que j’ai du mal à concevoir comment ça pourrait “se produire” comme un évènement d’une part (avec un moment précis)… et d’autre part parce qu’on ne définit pas toujours très précisément qu’est-ce qui au juste s’effondrera. Le capitalisme ? La société industrielle (est ce que c’est un synonyme du précédent?)? La biodiversité ? Le climat ? Tout ça en même temps ? Comme tu le soulignes bien, tout ne vas pas s’effondrer en même temps, mais ça conserve un aspect un peu flou pour moi. Finalement on ne sait même pas toujours bien ce que désigne ce terme d’effondrement. L’effondrement climatique, c’est sa dérégulation. L’effondrement du capitalisme, c’est son abolition. J’ai le sentiment que le terme d’effondrement renvoie en fait à des dynamiques assez diverses, je sais pas si je l’exprime très clairement…
Je crois que beaucoup de choses sont déjà en train de s’effondrer, et qu’il ne va pas y avoir un moment d’effondrement.. c’est un processus lent dont le rythme change, pas forcément inéluctable non plus, mais en tout cas on est déjà dedans et beaucoup de personnes en paient déjà le prix fort, bien plus que nous en Europe 😦 la question qui me préoccupe, c’est surtout de savoir quoi faire. Est-ce qu’on doit adhérer à l’idée que l’effondrement est une bonne nouvelle, qui va nous permettre de reconstruire sur de bonnes bases ? J’entends de plus en plus souvent ça, mais je ne peux pas y adhérer… parce que jusqu’à présent de tels bouleversements ont davantage donné lieu à de nombreuses morts, à un accroissement aigu des inégalités, à un repli des riches sur eux-mêmes. Rien de très positif. Mais je suis pas entièrement pessimiste pour autant, je pense qu’il n’est jamais trop tard pour s’organiser collectivement et organiser la lutte en se posant les bonnes questions 🙂
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Hello,
Je suis bien d’accord avec toi : je pense que l’effondrement est un processus lent, et très inégal, qui s’étalera sur des décennies et même des siècles. Ca n’arrivera pas du jour au lendemain. Moi, je le vois comme des dysfonctionnement progressifs à différents niveaux de la société, qui au fur et à mesure vont nous forcer à nous organiser différemment. Puisque le climat va rendre nos vies un peu plus compliquées, les pénuries de ressources (qui arriveront également progressivement)… Ca va mettre fin à la direction prise par notre civilisation depuis quelques siècles, qui consiste à chercher le progrès à tout prix sans prendre en compte l’env
Et je suis aussi démunie concernant la réaction qu’il faut avoir face à l’effondrement. Certains jours, je me dis, autant profiter de l’abondance dans laquelle on vit actuellement sans penser à demain (car c’est assez déprimant), d’autres jours je me dis qu’il faut absolument faire quelque chose, et surtout réveiller les consciences.
Je pense qu’avec le temps, de plus en plus de gens vont comprendre ce qu’il se passe, et la société va devoir y faire face et faire des changements. Mais c’est très difficile de prévoir le futur. J’ai hésité à écrire cet article mais il me semble qu’il est important d’en parler et d’avoir des débats autour de ce phénomène, même si on a du mal à comprendre de quoi il s’agit (parce que c’est un événement encore flou et mal compris). En tout cas merci pour ton commentaire, c’est toujours enrichissant d’avoir des avis et d’autres points de vue 🙂
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Merci à toi pour ta réponse, l’essentiel est de pouvoir en débattre effectivement !
En fait, ce qui m’interpelle pas mal, c’est de regarder ce qui se passe dans les pays où ça se délite déjà. Est-ce que ça a forcément créé des sursauts de résistance suffisants ? Pas forcément j’ai l’impression, parce qu’il y a du désespoir, peu de ressources et d’infrastructures, pas d’organisation préexistante… et surtout parce que ces pays sont encours soumis à la domination des Etats occidentaux, on les laisse se déliter. Du coup, c’est dramatique à dire, mais j’ai vraiment le sentiment qu’actuellement on réagit enfin en tant qu’européens privilégiés parce qu’on se sent un peu menacé nous-mêmes… et que nous on a le sentiment en revanche qu’on peut changer les choses, qu’on en a les moyens, les infrastructures etc. Mais y’aura intérêt à être extrêmement bien formés et radicaux, organisés et disciplinés, dans la mesure où on va se prendre une sacrée répression de la part des gouvernements qui s’accrocheront jusqu’au bout… et ça me fait un peu peur de voir que la plupart des thèses sur l’effondrement parlent d’effondrement « joyeux », et imaginent directement la société d’après, de l’entraide, des éco villages, sans imaginer à quel point une période révolutionnaire (parce que c’est de ça qu’il va s’agir du coup) est compliquée et tendue. Dans tous les cas on est d’accord sur la nécessité de faire quelque chose et de se mobiliser dès à présent 🙂
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Oui complètement. Pour avoir vécu dans des pays en développement, je pense que leurs populations ne peuvent pas faire grand chose. D’une part par manque d’éducation, et d’autre part parce qu’elles placent leurs espoirs dans la croissance économique pour enfin sortir de la pauvreté. En Amérique Latine, on ne parle quasiment jamais du climat et de l’environnement, et les gens sont à 1000 lieux d’imaginer l’ampleur de la situation. En même temps, qui peut les blâmer ?
Et je ne crois pas non plus à la collapso joyeuse. Ou en tout cas, clairement, pas pour tout le monde! Mais « l’effondrement » est un phénomène tellement complexe qu’il sera vécu très différemment selon les régions. Effectivement, en Europe, on le vivra peut-être relativement « mieux », mais vu les vagues de réfugiés climatiques qui y déferleront, on peut se demander aussi comment ça va influer.
Bref on est toujours un peu dans le flou dans cette histoire.
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Et il y a des questions d’infrastructure aussi, trier ses déchets sans déchèterie ni centrale de tri, la belle affaire ! Et comme tu le dis, y’a aussi toutes les préoccupations du quotidien…
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“Actuellement, nous sommes comme les passagers du Titanic. Nous vivons dans un environnement luxueux, confortable et faussement rassurant” cette phrase est criante de vérité. Quasi tout le monde refuse de voir la vérité en face et refuse de mettre son gilet.. Pourtant se seront les premiers à bousculer tout le monde pour monter dans un canot de sauvetage..
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