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I’m a migrant

Mon amie Mischa nous parle de son déménagement en Australie après avoir vécu 4 ans à Buenos Aires. Entre décalage culturel et nostalgie, elle livre son ressenti.

Un lundi après-midi.

Un soleil de plomb entoure Sydney.

Non loin, la baie de Bondi Beach.

Des blondinets à la planche attendant la “vague” avec impatience.

Et envie, mais pas que.

Des asiatiques, beaucoup, des français, trop.

Des hispaniques, pas assez.

« J’ai de la chance
Sûrement
Ma place n’est pas ici
Tout reconstruire
Encore une fois. »

Cela ne cessera donc jamais ?

Comment expliquer un contraste tant violent ?

La contrainte n’est que vaine, et pouvoir y renouer de nouveau m’empêche d’atteindre le Futur.

Je ne suis pas d’ici certes mais je dois m’y adapter. Arriver ici m’a laissé un goût amer et une douce joie aussi. Le vertige de vivre et non de survivre est devenu quelque chose que je comprends maintenant. Vivre dans un système qui t’aspire les os et la moelle ne feront que renforcer ton propre corps et oublier les désirs de la vie. Aller à l’essentiel. Ton Moi n’existe plus car tu oublies le temps où tu pensais à des besoins secondaires.

Il faut que tu manges.

Aller au supermarché puis se sustenter en payant du vide. Les prix changent tout au long des jours. Faire le bon choix : si je prends du lait aujourd’hui, me coûtera-t-il plus ou moins cher que demain ? Et les œufs ? Et les pâtes ? Mierda no me alcanza. ¿Que hago ? Prendre de l’énergie, encore pour négocier mon maigre salaire. Rien ne se vend, elle peut à peine m’augmenter.

Elle voyage à travers le pays tout le temps, une maison neuve payée à trente ans à peine.

Et toi qui a le même âge ?

Tu la regardes jalousement.

Tu ne comprends plus pourquoi tu ne t’en sors pas.

Entre deux crises de larmes tu regardes tes pauvres pesos filant entre tes doigts.

Comment ai-je pu en arriver là…

Sortir avec des amis oui, mais sans rien dépenser. Ce système t’échappe et parler d’argent tu en as honte. Pourtant sans ça tourne rond.

Amis, oui j’en ai.

Culture, c’est une ville qui te pousses à t’instruire.

Folie, elle en est le ciment.

Sauvage, comme ses habitants.

Libre, elle tente de l’être.

Libertaire, totalement.

Economie, il n’y en a pas.

Buenos Aires, quatre ans de liberté et d’extase.

Quatre ans d’envie.

Quatre ans de transcendance.

Quatre ans où je me suis vue grandir.

Quatre ans où je me suis enfin comprise.

Quatre ans de survie aussi.


Dans un article paru dans le journal argentin INFOBAE, il est écrit que la tristesse et la dépression s’étend aux jeunes des pays les plus heureux du monde. Pourquoi ? Selon l’O.N.U., cela affecterait la santé mentale : tout avoir à portée de main pourrait provoquer des troubles psychologiques importants et une perte d’autonomie dans l’avenir. Les pays incluent la Norvège, Suède, Finlande, Danemark mais aussi la Nouvelle-Zélande et l’Australie. Cette dernière d’ailleurs se tend constamment sous le fait de pression : je ne sais de quelle « pression » s’agit-il mais cela m’étonnerait ce que soit celle liée au travail, car ici le premier mot que tu entends est RELAX.

Simple, cinq lettres pour apprendre à te détendre. Et tout y est bien pensé : travailler peu pour gagner beaucoup, des paysages magnifiques et divers pour y profiter un maximum, des centres commerciaux partout (même en plein milieu de la forêt) pour y trouver tout et n’importe quoi. Tout semble parfait afin d’y inclure le modèle idéal du parfait petit humain épanoui et heureux. La face cachée de cette utopie est, à mon sens, cette absence de liberté qui nous fait croire qu’elle existe réellement, car cette société actuelle amène à nous faire penser que la vie doit se dérouler ainsi, en somme de pure surconsommation d’absolument tout.

Honnêtement, en arrivant à Sydney, je me suis demandée ce que je foutais ici. Appauvrir la population de choses futiles mais tellement bien pensées qu’elles semblent essentielles ? Je suis née en France, ai grandi dans une famille d’artisans modestes. Le bac en poche je pars m’installer aux quatre coins du pays pour y faire mes études. Je termine à Paris avec un C.D.I dans les médias. Au bout de trois ans de cette vie disons-le plan plan je pars pour le Québec pour un an. Là-bas, même constat : les gens achètent et achètent… Je pars en vacances au Mexique, le choc : pour la première fois de ma vie, je me sens bien. Bien que je ne maîtrise pas encore bien l’espagnol je m’en vais en Argentine pour que le contraste ne soit pas trop difficile. Buenos Aires, un mélange de culture européenne et andine. Mon adaptation fut naturelle. Décider de recommencer mes études n’a pas été uniquement pour pouvoir rester sur le sol argentin : il y a quelque chose d’impalpable et d’incroyablement attirant, je ne sais si ce serait le maté, cette infusion amère qui invite à te sociabiliser avec les argentins, ou bien le Fernet-Cola qui, sur des airs de rock nacional te tient sur le dancefloor jusqu’au bout de la nuit ? Ou le sens d’un bordel bien organisé où la corruption ne se cache plus pour être encore plus forte ? J’ai dû partir. Le fait d’erreurs de parcours, de galères d’appartements et de manque d’argent.


Je suis arrivée en Australie sans aucune idée de ce que j’allais y faire. Mon frère y habitant m’avait garanti que je pourrai y renflouer les caisses et m’y installer sans problème. Premier jour, constatation édifiante je suis revenue dans le « Premier Monde » et j’y ai perdu tous mes repères. Mon adaptation y est difficile, cette habitude de lutter comme une acharnée pour parvenir à ce que tu veux existe mais il faut payer pour ça. Du coup je me suis mise en recherche active d’un job, pas si évident non plus (qui pourtant semblait le contraire – surtout à Sydney ou le taux de chômage est le plus bas du pays). J’en trouve un de vendeuse pour 100 dollars la journée, un peu instable car pas de contrat, au jour le jour. Mais travailler dans un shopping c’est génial car cela permet de mieux connaitre les gens. D’ailleurs, les Australiens sont très gentils mais il ne faut pas trop en demander non plus. Toi qui pensais rencontrer uniquement des surfeurs blonds dans le frais de la vague, c’est raté ! L’Australie est un pays d’immigrés ou se mélangent des asiatiques, des indiens d’Inde, des Philippins, des Indigènes… Ils tentent de donner une image d’une mixité respectueuse mais il y a souvent quelques failles, notamment certaines tensions envers les indiens (qu’ils qualifient de « voleurs »). Par contre, un bel exemple, les musulmans vivent pleinement de leur religion et surtout certains islamistes où pour la première fois j’ai croisé des femmes en noir portant le niqab ; l’on ne pouvait à peine percevoir leurs yeux… Cela m’a donné des frissons et beaucoup de révolte dans mon estomac. A l’heure de l’ère féministe (et de la lutte contre les féminicidesfeminicidos en espagnol qui a débuté en 2010 en Argentine) j’ai encore du mal à concevoir que la femme peut encore être et se sentir soumise par un aveuglement religieux dans un pays aussi développé. Et c’est d’ailleurs la même chose pour celles qui sont persuadées de passer par la superficialité afin que rien ne puisse leur échapper. Tant d’artifices pour quel résultat au final ? Une dualité perpétuelle, il me semble, pour parvenir à une unique finalité. Je les trouve un peu perdus et froids par rapport aux latinos : dans un système trop structuré (il existe des no alcohol zones, des endroits où la consommation d’alcool dans certaines rues est interdite), trop bien réfléchi, où l’on me demande pour quelle raison à trente ans je n’ai toujours pas d’enfants et de boulot stable (j’attends la maison sous peu !), j’étouffe.


J’ai dû m’en aller d’Amérique Latine (ou du Tercer Mundo) pour comprendre que mon épanouissement demeure là-bas.

C’est tellement simple de prendre conscience de ce que l’on veut, mais combien de temps  faut-il pour l’assumer ?

Mischa Benthé

Retrouvez son site Internet ici.

1 réflexion au sujet de “I’m a migrant”

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