Texte initialement écrit par Maria sur un groupe Facebook, qui a eu l’amabilité de me laisser le publier sur le blog 🙂
« Il est des fléaux si terribles que leur simple mention fait dégouliner la sueur froide le long de la nuque. Et puis il y a celui qui est pire encore.
Pire que les tuiles de trottoir démises. Pire que les draps plats au lieu des housses de couette. Pire que les coupures de courant en pleine canicule, pire que l’absence de billets dans les distributeurs.
Pire que tout.
La drague par smartphone.
Il y a la drague par Whatsapp, avec le charmant éphèbe, l’intrigante sylphide, l’affriolante personne, qui vous a approché(e) au bar, ou en soirée peut-être, les sens légèrement embrumés par quelques Fernets, vous vous étiez plongé(e) dans ses yeux qui scintillaient dans la semi-pénombre, les lumières colorées s’y reflétant comme un battement de cœur. Quelques paroles, des sourires, peut-être un baiser même, et puis vous lui avez confié votre Whatsapp, parce que pourquoi pas ?
Ou même celui ou celle qui FAIT du REPÉRAGE DE FEMMES SUR LES RÉSEAUX 🎶 et qui, surgi(e) de nulle part, vous a suivi(e) sur Instagram.
Et cet intrigant être sensuel vous parle, les notifications foisonnant tels les éclairs d’un orage.
La solitude, et la brise enivrante du printemps aidant, vous vous êtes dit(e) « cette personne m’a approché(e), pourquoi donc ne pas chercher s’il y aurait moyen de se voir en personne, savourer ensemble un maté, une empanada, une bière, ou même, si tout se passe bien et s’il s’avère qu’il ne s’agit pas d’un(e) Michel Fourniret en puissance, de s’adonner aux délices de la chair ? ».
Vous entrez donc dans cette danse languissante, ce tango abominable, de la drague par smartphone.
La personne vous écrit tous les jours, parle de choses et d’autres ; vous vous dites : c’est le moment de se livrer à une expérience d’alchimie et se rencontrer en chair, en os et en âme ! Après tout, la personne vous exprimait son intérêt, non ?
Non.
Un silence qui retentit comme un fouet, cuisant comme une gifle. « Me colgué« , vous dit l’origine des tourments de votre cœur après avoir disparu pendant un mois
Ou alors, s’il (ou elle) accepte… une attente qui s’éternise, l’espoir qui se délite comme s’envolent les aigrettes d’un pissenlit. « Se me complicó« , vous annonce, gai(e) et primesautier(e) le/la tortionnaire de votre âme deux heures après l’heure du rendez-vous.
Mais par contre, si vous avez le malheur de ne pas lui répondre un quart d’heure, gare à vous, malheureux/se ! Vous vous ferez engueuler comme le dernier des surmulots de la station Châtelet-les-Halles.
Ou encore, si, lassé(e) de tant de revirements de la cible de vos espoirs, vous portez votre dévolu sur quelqu’un d’autre… Las, las ! Vous vous exposez à une tempête numérique.
Je me rappelle un déjeuner de juin 2018, fraîche et ignorante comme un agneau j’étais, tout juste débarquée en Argentine, ce midi où ma collègue m’a annoncé solennellement : « tu as entendu parler des histericxs ? ».
« Phone’s blowing up« , comme le disait la grande Sia. Mais pas « ringing my doorbell« .
La drague par smartphone. On aurait voulu qu’elle y reste, dans le smartphone, qu’elle s’y cantonne, mais elle envahit le cerveau également, telles les racines d’un lierre foisonnant qui finissent par faire s’écrouler la façade qui les porte. »
✅✅ Vu, 20h56

Crédit photo de la couverture : leoratzlaff