On le sait, d’un pays à un autre, les moeurs ne sont pas les mêmes. Les attitudes et les mentalités diffèrent. Les gens pensent, travaillent, vivent autrement.
Mais on pourrait penser qu’il y a des catégories de personnes qui, elles, sont similaires, quelque soit la région du monde. Par exemple, un moine, c’est un moine: grosso modo, il prie son Dieu, prône la charité et écoute les confession des vilains pêcheurs (ah moins que ce soit le rôles des prêtres? Des curés? Qui connait la différence?). Les écoliers sont des écoliers, ils vont à l’école et rentrent faire leurs devoirs le soir. A l’université, mes camarades colombiens passent autant de temps que moi à traîner sur Facebook et Snapchat pendant les cours. Alors oui, c’est certain, il y a des différences culturelles entre nous, mais vu de loin, au final, on est plutôt similaires.
Après quelques temps passés en Colombie, je n’ai pas pu m’empêcher de me poser cette question existentielle: Quid des SDFs?

Ce n’est peut être pas le sujet de comparaison France/Colombie le plus glamour que je puisse aborder. Ni le plus politiquement correct : après l’indice Big Mac, qui est censé indiquer le niveau de vie d’un pays en fonction du prix de son Big Mac, je vous présente l’indice SDF .
A première vue, on pourrait penser qu’un sans-abri, qu’il habite à Tokyo ou à Berlin, a un comportement similaire: c’est une personne très pauvre, sans domicile fixe, qui mendie de l’argent dans la rue pour subvenir à ses besoins primaires. Oui mais voilà, mes expériences françaises et colombiennes des sans-abris furent très éloignées, et pour moi reflètent les différences qui existent au sein de ces deux pays.

En France, bien sur, on a des sans abris. Certes, ils sont moins nombreux qu’en Colombie, mais ils sont bel et bien là. Avant de m’envoler pour Le Nouveau Monde, de l’autre côté de l’oceano Atlantico, j’avais, dans ma vie quotidienne, de nombreuses occasions d’en croiser. Notamment parce qu’il y a pas mal de SDF dans les transports en commun. Et que j’avais 4 transports différents pour aller de chez moi à ma fac -oui, j’ai bien dit 4 : je prenais le bus, le train, le RER, et enfin le métro. (J’avais une vie avant la Colombie, où je passais plus de temps dans les transports et les mains dans l’huile des frites du Mc Do que sur les plages colombiennes).
Mais ceci n’est pas le sujet, revenons à nos (biens pauvres) moutons.
Je disais donc, en France il y a des sans-abris, et quand on prend les transports publics dans la région parisienne, on a souvent l’occasion d’en croiser. Et il m’est donc arrivé d’essayer de les aider en leur donnant de la monnaie, ou des snacks si j’en avais dans mon sac (et oui, cela ne se voit peut être pas mais mon vrai nom est Pauline Escobar Mère Téresa). Pas à chaque fois bien sur (quand tu prends 4 transports matin et soir, à moins d’être milliardaire, dur dur de donner tout le temps). Je n’ai connu qu’un seul type de réaction : des « mercis » (parfois vraiment du bout des lèvres, mais exprimés malgré tout), certains qui te regardent avec émotion, d’autres qui joignent leur main dans ta direction.

Je parle ici de mon expérience personnelle, et j’interprète seulement ce dont j’ai été la témoin. Il y a des tas de gens qui travaillent dans des ONGs et des associations venant en aide aux personnes démunies qui en sauraient bien plus que moi sur la question. Il y a quelque temps, je parlais avec un ami de ce sujet, qui m’a raconté que dans son lycée, en France, une de ses amies avait été poursuivi par un clochard, un couteau à la main, sur tout le trajet jusqu’à son lycée, puis dans tout le bâtiment, avant que quelqu’un n’arrive à l’intercepter ( le clochard, pas son amie). Bien souvent la pauvreté engendre la violence, et j’ai conscience qu’il y a des personnes en France ayant eu des problèmes avec des mendiants. Mais cela est loin d’être la norme, en tout cas dans notre pays. Et les réactions, du moins dans mon cas, lorsque j’essayais de les aider (à mon humble niveau bien sur, à coup de pièces de 50 centimes et de barres de Snickers) ont toujours été positives.

Mon expérience colombienne a été toute autre. Déjà, dans les rues de Bogota, et plus spécialement dans le centre historique, il y a un nombre assez impressionnant de SDFs qui se baladent, trainant un gros sac poubelles derrière eux, parlant tout seul, comme s’ils étaient sur une planète parallèle à la notre. En général, ils ne sont pas vraiment dangereux. En fait bien souvent ils ne font pas la manche, ils sont seulement drogués, perdus, sans personne pour les prendre en charge, à la recherche de nourriture dans les poubelles de la ville.
J’ai vite constaté que le SDF français et le SDF colombien appartenaient à des groupes différents. Durant les premiers jours, lorsque que j’étais en recherche d’une coloc, je suis allée faire une visite d’un appart, et une fois arrivée devant le bâtiment, un SDF s’est précipité vers moi pour me demander de l’argent. J’ai hésité, puis j’ai fini par sortir mon portefeuille pour chercher quelques pièces. Je les ai donné, mais en voyant mon portefeuille, il a insisté, parce qu’il voulait plus d’argent. J’ai refusé, et il devenu de plus en plus insistant. A ce moment là, par chance, la personne qui devait me faire visiter a ouvert la porte et l’a rapidement chassé. Elle m’a directement expliqué que ce je venais de faire n’étais pas très malin.

« Tu viens d’arriver à Bogota?! Je m’en doutais [mon accent l’avait peut être aussi mis sur la voie]. C’est très dangereux, ce que tu viens de faire. Il faut que tu saches une chose: si tu leur donnes de l’argent, ils vont te demander plus, et lorsque tu sors ton portefeuille, tu as de grandes chances qu’ils te le volent. Il faut éviter de leur donner de l’argent…Surtout, surtout quand tu es toute seule!«
Après cette première expérience, j’ai pris plus de précautions. Mais quelques semaines plus tard, j’ai réitéré l’expérience. Cette fois-ci, je n’étais pas seule, je sortais d’un taxi, j’avais la monnaie du taxi dans la main, et là, en sortant de la voiture, un SDF est venu vers moi. Je lui ai donné la monnaie du taxi. Et là, le mec regarde les pièces, me regarde, et furieux, me crie « LADRON! » (« voleur » pour ceux qui n’écoutaient pas en cours d’espagnol).
Alors, quelles conclusions faudrait-il tirer de ces expériences? Que les gouvernements français successifs ont fait un travail de diffusion de la politesse phénoménal chez nos SDF? Que les Colombiens sont des monstres cupides et méchants?

Le problème de ces conclusions simplistes est que l’on compare deux sociétés qui sont extrêmement différentes. Alors certes, je ne suis pas la dernière à critiquer la société française, qui à bien des égards perpétue les inégalités sociales et ne donne pas les mêmes chances à tous. Ne parlons même pas des nantis qui refusent de l’aide aux SDFs et migrants, et ceux qui cachent leur argent dans des paradis fiscaux pour ne pas payer d’impôts (serait-ce les mêmes personnes?).
Cela dit… Passer de la France à la Colombie permet de mettre en perspective certaines choses. Et je ne suis pas en train de dire que les critiques de la société française n’ont pas lieu d’être puisqu’il reste bien sur des progrès à faire. Mais en France, on a un SMIC qui permet de payer plus que son loyer (contrairement au SMIC colombien qui ne te permet pas de payer d’autres choses). On a des aides sociales, un RSA, un chômage. On a des centres d’accueil de SDF. L’éducation est en grande partie GRATUITE et accessible au plus grand nombre, ainsi que les soins médicaux qui sont remboursés. Alors bien sur, tout ça n’empêche pas la pauvreté, les inégalités. Et il reste extrêmement difficile de s’en sortir lorsque l’on se retrouve en situation précaire, au point de ne plus avoir de toit. Mais toutes ces aides existent, et nous avons un Etat capable de donner un minimum d’éducation et de soins médicaux.

Et en Colombie?
Alors, ça n’est pas exactement la même chose. Tout d’abord, la différence MAJEURE avec la France est que la Colombie sort d’un conflit interne qui a duré plus de 50 ans. De par sa durée exceptionnellement longue, le conflit a causé de nombreux morts, de nombreux blessés, et a déchiré de nombreuses familles. Par dessus tout, le pays a un nombre de personnes déplacées incroyablement élevé: le seul pays AU MONDE qui a plus de réfugiés que la Colombie, c’est la Syrie – sauf qu’en Colombie beaucoup de personnes sont déplacées au sein même des frontières du pays. Et s’il y en a eu autant, c’est que le conflit a été très long- conflit qui n’est pas encore tout à fait terminé, même si la perspective d’accords de paix se précise de plus en plus. Les guerrillas ont chassé de leurs terres des tas de paysans, qui ont du quitter leur ferme en laissant tout derrière eux. En tout, 6 millions de Colombiens ont été déplacés- c’est plus que tous les Juifs morts durant la seconde guerre mondiale, pour donner une idée.

On retrouve donc, dans la population de mendiants colombienne, bon nombre de victimes du conflit armé qui a secoué le pays. Ajoutons à ça les problèmes de drogue – car qui ne sait pas que la Colombie est le premier producteur mondial de cocaïne? On en trouve facilement, à faible coût. Et on se retrouve avec des gens à la rue qui se tournent vers la drogue, ou bien qui finissent dans la rue par la faute de leur addiction. Et enfin, la corruption des politiques n’aident en rien le problème, puisque les détournements de fonds sont courants, et les aides de l’état dirigées vers les classes inférieures inexistantes.
Tout ça pour dire que ça peut être facile, en arrivant dans un nouveau pays, de se dire qu’ici les gens sont violents et malpolis. Mais pour comprendre un pays il faut comprendre ce qu’il s’est passé avant, et le type de société actuellement en vigueur. Et en découvrant d’autres façons de fonctionner, on se rend compte qu’il y a des choses que nous prenons pour acquis, chez nous, qui sont loin d’être évidentes pour tous. Il m’a fallu aller jusqu’en Colombie pour m’apercevoir qu’en France, on a des SDFs polis qui sont, dans la grande majorité, reconnaissants lorsqu’on leur donne quelque chose – et que ça n’est pas le cas partout.
Peut être pourrait-on analyser le niveau d’égalité sociale d’un pays en fonction du niveau de politesse de ses mendiants? Je m’en vais de ce pas proposer ma théorie au FMI.

¡Hola Pauline!
Article super intéressant.
J’ai moi aussi pu remarquer cette différence entre la France et Bogotá.
Je dis Bogotá car le comportement des « vagabundos » de Barranquilla est totalement différent.
La violence, l’indifférence ambiante, les drogues… sont peut-être plus présentent dans le quotidiens des clochards bogotanos. La côte caraïbe jouissant d’un climat agréable et les gens étant plus cool… il y a certainement un impact sur les mendiants ! Super sujet d’étude à creuser 😀
¡Hasta Pronto!
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Salut,
Merci pour ton commentaire, oui tu as tout à fait raison, la situation n’est pas la même dépendant des villes! Cela doit dépendre de la géographie et de l’histoire de chaque région, peut-être qu’il y a beaucoup de personnes victimes du conflit colombien qui sont venues se réfugier dans la capitale. Effectivement, sujet à creuser !
Hasta pronto 🙂
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